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En Europe orientale, la langue au service du nationalisme

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La Hongrie dénonce la politique linguistique de l’Ukraine par la voix de son ministre des affaires étrangères

Après que le président ukrainien Petro Porochenko a promulgué une nouvelle loi sur les langues d’enseignement, la Hongrie a réagi le 27 septembre en se déclarant ouvertement opposée à l’intégration européenne de l’Ukraine. Cette loi, entrée en vigueur le 25 septembre, vise à accroître le poids de l’ukrainien dans l’enseignement scolaire au détriment des langues minoritaires. Orientée contre le russe, qui est la langue maternelle de nombre d’ukrainiens dans l’est du pays, cette décision lèse également des minorités dans la partie occidentale du pays, notamment hongroise et roumaine.

Cette loi remplace une loi promulguée sous l’administration du prédécesseur de Porochenko, Victor Ianoukovytch, chassé par le mouvement Euromaïdan. Celle-ci prévoyait alors de laisser une large latitude aux langues minoritaires, pour peu qu’elles représentent au moins 10% de la population d’une région. Elle s’inscrivait ainsi dans le programme du Parti des Régions, proche de la Russie de Vladimir Poutine. La nouvelle mouture vise donc à briser avec l’administration précédente et ses liens extérieurs. Il s’agit, par la même occasion, de renforcer le sentiment d’appartenance à une identité ukrainienne centrée sur une langue propre. Comme au XIXe siècle en Europe centrale et orientale, la langue doit servir de vecteur du nationalisme et de rempart face aux grands empires, à l’heure où le gouvernement ukrainien accuse la Russie de soutenir les républiques rebelles de Louhansk et Donetsk. Dès le CM2, l’essentiel de l’enseignement devrait se faire en ukrainien et non dans une langue minoritaire. Il s’agit également pour le gouvernement central d’envoyer un signal fort de mobilisation en direction des ukrainophones, alors que la reprise économique se fait attendre et que la corruption reste un fléau.

La Hongrie compte bloquer l’intégration européenne de l’Ukraine

Le ministre hongrois des affaires étrangères Peter Szijjarto a déclaré que la Hongrie bloquerait dorénavant toute tentative de l’Ukraine de rejoindre l’Union européenne. La Hongrie prend ainsi la défense de sa minorité vivant sur le sol ukrainien comme elle a pu le faire par le passé vis-à-vis de la Slovaquie et de la Serbie (population hongroise de Voïvodine). Cela n’est pas sans rappeler le comportement irrédentiste de la Hongrie dans l’entre-deux-guerres, lorsqu’elle dénonçait les gouvernements tchécoslovaque et roumain. Là encore, la défense de la langue nationale alimente la machine nationaliste afin de cimenter l’électorat hongrois autour du premier ministre Victor Orban. Il s’agit pour lui de faire montre de fermeté à l’égard de l’Ukraine au service de l’intérêt national pour ne pas laisser l’espace politique au parti ultra-nationaliste Jobbik. Par la même occasion, Victor Orban se fait, paradoxalement, le défenseur d’une Union européenne tant critiquée en se posant en porte-étendard du droit des minorités. La Hongrie avait déjà réagi vertement à la décision du parquet anti-corruption roumain de suspendre l’activité d’un lycée de langue hongroise cet été. La situation s’est cependant aplanie en septembre, signant un possible rapprochement entre le gouvernement roumain et le groupe de Višegrad. Ce dernier semble ainsi s’être trouvé une nouvelles causes et de nouveaux alliés.

La Russie pourrait indirectement tirer parti de cette controverse

La Hongrie n’est pourtant pas le seul pays à avoir attaqué le choix du gouvernement ukrainien. La Pologne, la Moldavie, la Roumanie , la Grèce et la Bulgarie ont elles aussi vivement réagi. Si la réaction des trois premières est liée directement à la problématique linguistique, l’intervention de la Grèce et de la Bulgarie fait davantage planer le spectre de la Russie. Avec la Hongrie, ces deux Etats comptent parmi les plus russophiles de l’UE. Alors que la Russie se heurte au soutien de l’UE au gouvernement central ukrainien depuis l’Euromaïdan, la division du bloc européen ne peut que servir ses intérêts. A l’heure où le conflit s’enlise et où la Russie propose une intervention limitée des casques bleus dans la zone conflictuelle, la posture de ces pays pourrait renforcer la position russe.

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